Ma Poker Face
La douleur, cette compagne silencieuse, ne se lit pas sur un visage. Elle est d'une complexité déconcertante, insaisissable, et pourtant si présente. La souffrance qui émane de la difficulté à exprimer cette douleur, à trouver des oreilles attentives, est aussi une épreuve. La solitude qui s'installe lorsqu'on cherche, en vain, à faire taire la souffrance est une douleur en soi. C'est un cri étouffé, une bataille intérieure méconnue, une lutte solitaire et parfois épuisante.
Contexte
Depuis ma dernière opération, il y a six mois et demi, la douleur est devenue ma compagne de vie. Quasi quotidiennement, je souffre de douleurs inexpliquées et inaudibles pour mes chirurgiens.
Trois semaines avant cette dernière opération, mon chirurgien m’avait exprimé sur un ton glacial :
« Madame Roba, je n’ai aucune réponse à vous donner, je ne sais pas pourquoi vous avez mal. Même après l’opération, vous aurez toujours mal. Ce sera toujours compliqué avec vous. »
Voilà la réponse d’un chirurgien, froissé sans doute parce que je viens diminuer son taux de réussite, puisque je suis une de ses rares patientes à accuser des complications post-opératoires suite à son intervention (en janvier deux mille vingt-quatre).
Récemment, rapportant une nouvelle fois mes plaintes sur mes douleurs, qui varient autant en intensité qu’en fréquence, un autre chirurgien m’a répondu en prenant son plus grand sourire:
« Arrêtez d’y penser et vos douleurs disparaîtront ».
J’ai eu envie de lui aplatir ma main sur la joue et d’attendre pour voir la couleur qu’elle prendrait.
Traitement de la douleur - Droit du patient
Quand vous souffrez d’endométriose, votre degré de tolérance à la douleur est devenu si haut que, quand je dis que j’ai mal, ce n’est ni pour être considérée comme victime, ni pour me faire plaindre, mais bien pour recevoir de l’aide.
Si je suis la première à dire qu’il ne faut pas faire le focus sur une douleur pour ne pas l’accentuer, quand vous souffrez depuis si longtemps sans connaitre la cause, que vous cherchez des pistes pour ne plus souffrir et qu’un chirurgien a l’air de vous dire que vous avez mal parce que vous y pensez trop, il s’agit ni plus ni moins de violences médicales.
Quoi qu’il en soit, depuis des mois, je ne suis pas entendue et je repars de chaque rendez-vous avec mes douleurs sous le bras.
Est-ce qu’il faut taper du poing sur la table pour être entendue ?
Je regrette de ne pas lui avoir rappelé qu’en Belgique, le traitement de la douleur est considéré comme un droit fondamental pour les patients.[1]
Ces lois visent à garantir que les patients aient accès à des traitements visant à soulager leur douleur, que ce soit dans le cadre de soins palliatifs ou dans d'autres situations médicales.
La douleur derrière un sourire
Certains sourires cachent des tempêtes. Derrière une apparence sereine, derrière un rire qui résonne, il y a parfois une douleur invisible, une souffrance que personne ne soupçonne.
Je suis une femme qui aime prendre soin d’elle, se maquiller et être jolie, pour moi et pour les autres. J’essaye de vivre autant que possible comme une femme normale, de garder une bonne hygiène de vie et de pratiquer du sport pour diminuer mes douleurs. Tantôt ça marche, tantôt pas, et je dois stopper quand j’ai trop mal, sans comprendre pourquoi.
Il y a des nuits où la douleur me réveille, des moments où la douleur m’empêche de rester debout. Ces journées où l’énergie me manque, mais où j’avance malgré tout, parce qu’il faut bien.
Parce que l’entourage ne comprend pas toujours, ou ne perçoit pas à quel point on souffre, parce qu’on ne veut pas déranger, parce qu’on veut continuer à vivre « normalement ». Alors, on s’adapte. On force un peu, on sourit, on fait semblant.
Mais ce n’est pas parce qu’on ne crie pas qu’on ne souffre pas. Ce n’est pas parce qu’on garde le cap qu’on ne se bat pas chaque jour contre une douleur qui ronge de l’intérieur.
J’essaye de ne pas trop me plaindre, de ne pas être un boulet pour les autres. Je serre les dents en société quand la douleur monte. Mais parfois je suis à bout de ces douleurs.
Alors non ça ne se voit pas quand j’ai mal, parce que je revêts le plus souvent ma Poker Face.
30 mai 2024 - Jour de mon rapatriement d’un hôpital en Bretagne vers un hôpital belge avec ma Poker Face…
La souffrance invisible est la plus difficile à expliquer, à justifier. Trop souvent, elle est minimisée, ignorée, remise en question. Pourtant, elle est bien réelle. Et ce dont on a besoin, ce n’est pas de pitié, mais de respect et de compréhension.
Un équilibre pour tenir debout
Quand on vit avec une douleur chronique, on apprend vite que l’hygiène de vie n’est pas un luxe, mais une nécessité. Prendre soin de soi devient une forme de survie.
L’alimentation joue un rôle clé : certains aliments apaisent l’inflammation, boostent l’énergie et améliorent le bien-être mental. Manger sainement, c’est donner à son corps les armes pour mieux supporter l’épreuve.
L’activité physique, même modérée, aide à relâcher les tensions, à libérer des endorphines, ces précieuses hormones du bien-être. Bouger, c’est montrer à son corps qu’il est encore capable, malgré la douleur.
La gestion du stress est essentielle. Car le stress, c’est ce poison invisible qui amplifie tout, qui alourdit les douleurs, qui vole le peu d’énergie qui nous reste. Prendre du temps pour soi, respirer, méditer, se reconnecter à l’instant présent… Ce ne sont pas de simples conseils, ce sont des bouées de sauvetage.
La « ronron thérapie» apporte aussi beaucoup d’endorphines ! ;-)
« Il convient de ne pas mettre de limite aux possibilités d’amélioration, voire de guérison d’une maladie… De bonnes surprises peuvent toujours se manifester tant la pensée humaine est forte. »
Luc BODIN, Développer votre pouvoir guérisseur..
S’en sortir, avec ou sans aide, à son rythme, sans se justifier
Vouloir s’en sortir et mettre en place toutes ces choses ne veut pas dire que la souffrance n’existe pas. Faire des efforts ne signifie pas qu’on va bien. Et surtout, chercher des solutions ne veut pas dire qu’on exagère ou qu’on dramatise.
Ce combat est réel. Il demande de la force, de la patience, du courage. Et la plus belle chose que l’on puisse offrir à quelqu’un qui le vit, c’est de ne pas le juger sans savoir, c’est de l’écouter quand il demande de l’aide.
Face aux chirurgiens qui ne me prennent pas au sérieux, je me tourne vers la thérapie alternative. J’ai la chance d’avoir accès à d’autres méthodes de soins non-conventionnelles, comme la kinésithérapie, l’ostéopathie, l’acupuncture, l’hypnose, mais tout le monde n’a pas cette chance.
La vie a mis sur mon chemin ma kinésithérapeute et mon ostéopathe, deux personnes qui ont à cœur de chercher de concert comment me soulager de ces douleurs inexpliquées. Je leur en suis tellement reconnaissante.
Aujourd’hui
Je pense à tous ceux qui souffrent en silence, sous leur Poker Face.
Je dénonce les jugements de ceux qui pensent qu’on affabule.
Je dénonce la mauvaise écoute de certains médecins, la non-prise en charge des douleurs et l’errance et la détresse dans laquelle les patients peuvent être laissés.
Je ne veux pas me faire plaindre, mais porter la voix contre la banalisation et les jugements (et j’emmerde ceux qui ne comprennent pas).
A mon niveau, je continue le combat contre mes douleurs, avec l’aide que j’ai trouvée, avec résilience et sous ma Poker Face (parce que je ne vais pas tirer la tête pour montrer que j’ai mal).
« Si nous pleurons parce que le soleil n’est plus là, nos larmes nous empêcheront de voir les étoiles. »,
Mélissa DA COSTA
Si tu fais partie de ceux qui luttent en silence, sache que tu n’es pas seul(e). Nous avons le droit d’être entendu(e) et respecté(e). Nous avons le droit de trouver de l’aide auprès du corps médical ou de qui voudra bien nous entendre.
Mais quoi qu’il arrive, garde espoir et continue d’y croire !
Hélène, le 30 mars 2025
#DouleurInvisible #ÉcouteEtRespect #PrendreSoinDeSoi #ForceIntérieure #VivreAvecCourage
[1] Les bases légales qui garantissent ce droit comprennent la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient, qui stipule que tout patient a le droit de recevoir des soins visant à soulager la douleur, ainsi que la loi du 14 juin 2002 relative aux soins palliatifs, qui reconnaît le droit à des soins palliatifs adéquats pour toute personne atteinte d'une maladie incurable.